Parfois les lecteurs que je rencontre, les personnes que je croise, me demandent si je suis corse...
Probablement parce Julie, l'héroïne de "Je leur dirai que j'ai rêvé" est corse, ou parce certains auront constaté, sur certaines photos, qu'il m'arrive de porter un pendentif en forme de Corse, ou parce que j'y ai habité plusieurs années, ou parce que j'y retourne régulièrement, ou parce que tous ceux qui me connaissant savent combien j'y suis viscéralement attachée...
Voici donc quelques éclaircissements !
A ma connaissance, je n'ai pas d'origines corses. Je suis née au milieu des volcans, en Auvergne. Dans les montagnes, donc. Et dans une région restée authentique, avec de grands espaces préservés, et un peu isolée, aussi. Habitée par des gens parfois un peu "ours" au premier abord comme diront certains, mais au grand coeur et d'une grande générosité. Voilà déjà quelques points communs avec la Corse. Mais ça, je ne le savais pas encore.
Jusqu'à cet été 1990...
Avec le comité d'entreprise de mon père, j'avais accès à des colonies de vacances à prix raisonnable. Pour cet été-là, j'ai jeté mon dévolu sur la Corse. On m'avait dit que c'était beau (classique et banal me direz-vous : tout le monde le sait). On ne m'avait pas dit la suite. On ne m'avait pas dit que le coup de foudre n'existait pas qu'en amour. On ne m'avait pas dit que je ne pourrai jamais quitter cette île sans avoir la certitude d'y revenir.
Cet été 1990, je logeais à Vico et je me baignais tous les jours à Sagone. J'ai appris à tenir sur une planche à voile, après de longs et durs efforts. J'ai compris ce que signifiait le mot "empanage" (non sans mal), à quoi servaient le foc et la grand voile, j'ai navigué avec le Hobby Cat dans le golfe. Je me suis baignée à la rivière près du pont de Murzo. J'ai fait de la rando à cheval près du Liamone. Et de la rando tout court, vers le col de Sevi, du côté de Cristinacce, ou encore d'Orto au lac de Creno, puis jusqu'au refuge de Manganu et même sur le GR20, vers la brèche de Capitello... Je me suis dit que plus tard, je ferai le GR20.
Et puis un jour, avec toute la colo, nous avons pris la route pour Porto. On m'avait prévenue qu'elle était belle, la route de Cargèse et des Calanche de Piana (ça aussi, tout le monde le sait). J'avais bien vu des photos, des cartes postales. Seulement voilà : parfois dans la vie, il y a l'idée de la chose -une certaine forme d'imaginaire en quelque sorte- et puis il y a la chose... Le panorama sur le golfe de Porto m'a littéralement coupé le souffle. A cet instant, je me dis que je n'ai jamais rien vu d'aussi beau et je visualise à quel point la Corse est une montagne dans la mer. Les couleurs sont d'une extrême intensité. Du bleu et du rouge. La mer, le ciel, et le granit. Tous les superlatifs sont permis. Au fur et à mesure que nous avancions, le golfe de Porto se faisait de plus en plus majestueux. La sensation que j'ai eue ce jour-là restera à jamais gravée et me donne encore des frissons.
A Sagone, il y avait une petite bijouterie, à côté de l'hôtel Cyrnos près de la plage. 50 Francs : c'était le prix de ce pendentif en plaqué or que j'ai pu m'offrir en faisant tout de même attention à mon budget. Je l'ai toujours. C'est lui sur les photos. Il est un peu poli sur le dessus mais pour moi il reste intact.
A la fin des vacances, quand j'ai embarqué sur le Daniele Casanova à Ajaccio, je suis restée sur le pont un long moment, le walkman sur les oreilles (on écoutait Téléphone à l'époque), jusqu'à ce que je ne voie plus la côte. Je me suis jurée que je reviendrai. Je suis revenue. Dès l'année suivante. Puis quelques années plus tard, plusieurs fois. L'émerveillement opérait toujours. Malgré tous les endroits magnifiques où j'ai pu voyager, c'est toujours la Corse qui revenait dans mes rêves, avec cette impression que c'est le seul endroit du monde où l'on trouve sur un même territoire un peu de tout ce qui existe de plus beau sur Terre : un air d'île lointaine, presque des Seychelles par endroit, la haute montagne, les prairies vertes, les lacs, les rivières sauvages, les cascades, la forêt, les falaises de calcaire, de granit, le sable blanc, l'eau turquoise, les dauphins, des villages authentiques.
Et un jour, l'opportunité est venue d'habiter près d'Ajaccio. C'est en partie là que grandiront mes enfants. Je découvre les quatre saisons en Corse. Le calme après l'été. Les châtaignes. Les citrons. Le miel. La neige en hiver. Le ski à Ese, le luxe d'apercevoir la mer en arrière-plan. L'odeur des immortelles et du maquis au printemps, après la pluie. Les fêtes. La musique. La douceur de vivre là-bas. Je ne suis plus une touriste. Je découvre la vie au quotidien en Corse, je démissionne d'un poste dans lequel je ne trouve plus aucun sens, les portes s'ouvrent, je trouve un travail qui me plaît, les collègues m'accueillent chaleureusement, j'apprivoise les codes locaux, les expressions, le style. Je découvre qui était Pascal Paoli, je m'intéresse à l'histoire de l'île, je cerne peu à peu l'identité corse. Je réalise ce que signifie et implique l'insularité. Mes fils lient de solides et belles amitiés. Moi aussi. Quand nous partons, nous nous jurons que nous reviendrons. Nous tenons parole. Et nous tiendrons parole encore longtemps.
Cet été, je guetterai l'horizon sur le pont du bateau, jusqu'à ce que j'aperçoive les côtes. L'odeur du maquis parcourra à cet instant mon inconscient. Je reconnaitrai la Paglia Orba, avec sa forme caractéristique qui en fait la reine des montagnes corses. Puis le Capo Rosso, chargé en souvenirs de colo. Je me dirai que la plage de Sagone est tout au fond, là-bas. Au même endroit exactement que 34 ans plus tôt. Au pied de la tour, il y a peut-être encore la crique où l'on a dormi, une fois, à la belle étoile, quand j'avais 15 ans... Enfin, les îles Sanguinaires apparaîtront au loin, il nous faudra les contourner pour atteindre notre destination : Ajaccio.
Entre repos, paddle à la recherche des dauphins (oui, je les ai vus de près l'an passé...), snorkelling, randonnée, j'irai voir Sagone. Pour son calme, pour ses souvenirs et sa beauté tout simplement.
Et parce que la Corse et les Corses m'ont de nouveau ouvert leurs portes, et que l'on a probablement beaucoup de choses à se raconter, je dédicacerai mes livres à Ajaccio, à la FNAC et chez Cultura !
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